Friday, October 27, 2006

Exposition à l’“Aquilone" (sept. 2002)

nus - fusain comprimé - collages 135 x 135 cm

Il est bien rare de voir le dessin considéré comme une discipline à part entière, capable d’allier à la force expressive et à la sensibilité, une rigueur technique suffisamment riche et maîtrisée pour se suffire à elle-meme. Le goût de l’époque sans doute se porte plus volontiers sur l’image cinématographique où, dit-on, le siècle croit se reconnaître. Les tableaux dejà n’y attisent plus l’étude exaltée d’une image où pensée et sensibilité se réconcilient. Les dessins ne trouvent la faveur du public que dans la mesure où ils peuvent y étudier les métamorphoses d’une idée qui se cherche, la franchise de l’ébauche et rencontrer soudain une forme d’intimité avec l’artiste. Mais l’appréciation des beaux gris, l’exigence de la forme et du trait, l’exigence d’une discipline qui ne consent aucun compromis et n’entend tout exprimer que par les noirs semble répugner au goût du moment. Que dire de l’art de la gravure qui ne livre ses trésors que dans l’étude attentive et patiente, et connaît pour cela même une injuste disgrâce ?

Pourtant, le travail de Suzanne Pavc relève de cette exigence. Que ce soit dans ses croquis où s’affirme le trait assuré, souple, contournant la silhouette du modèle, ou dans ses grandes compositions travaillées, fouillées, ou encore dans ses lithographies, elle parvient à un résultat de haute tenue où la finesse des gris, la profondeur des noirs côtoient la force énergique du trait et la plénitude de la forme.

Ses grands dessins se distinguent d’emblée par la monumentalité de leurs figures et l’élégance de leur composition. Les corps modelés dans de riches tonalités de gris, qui vont du léger effleurement du fusain jusqu’aux noirs les plus denses s’intègrent aux différentes qualités de papiers, superposés, froissés, déchirés. Les variations de l’éclairage donnent aux figures l’imposant relief et le mystère d’une fresque altérée par le temps.

Nous sommes dans le paradoxe d’une intimité qui se dérobe, par-delà la recherche esthétique et la séduction des formes, par-delà les nombreuses variations sur le corps de la femme, le relief, les rondeurs, les replis d’ombre, le soin délicat et caressant à rendre ce frémissement de la chair que les Italiens appelaient “morbidezza”. Les figures n’entretiennent entre elles aucune relation ; elles se rapprochent et s’ignorent, gestes et regards s’évitent, présence et absence, abandon et défiance, beauté et inquiétude se mèlent.

Bernard TALMAZAN
Historien de l’art, peintre, graveur.

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